Cyril COPPINI

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L'échappée rakugo

Edo Rakugo et Kamigata Rakugo

Temps de lecture: environ 3 min

Le Rakugo s’est développé en même temps dans trois villes et lieux différents: à Edo dans les pièces de tatami, à Kyoto dans la rue et à Osaka dans un temple shinto. De nos jours, les styles de Kyoto et Osaka ont fusionné pour donner naissance à un seul: le Kamigata Rakugo face au style de Tokyo, le Edo Rakugo.

Le Kamigata rakugo se pratiquait donc, contrairement au Edo rakugo, en extérieur. Pour éviter de salir son éventail et son tenugui en les mettant par terre, les conteurs les posaient pendant qu’ils parlaient sur une table basse, le kendai.
Ils utilisaient aussi deux petits morceaux de bois – kobyôshi – pour attirer les passants à eux et les inviter à s’arrêter pour écouter leurs histoires. De nos jours, les kobyôshi permettent de signaler les changements de scène ou de donner du rythme à l’histoire. Enfin, la position seiza (assis sur les genoux) étant éprouvante, les conteurs avaient besoin parfois de se dégourdir les jambes. Mais vis-à-vis du public, ce n’était pas très poli (d’ailleurs seiza signifie littéralement « être assis correctement »). D’où l’utilisation du hizakakushi (cache genoux) posé devant le kendai.

Pour ces raisons, le Kamigata rakugo est beaucoup plus vivant, beaucoup plus extravagant, pour le néophyte. Et les conteurs de Kamigata rakugo beaucoup plus extravertis – sur scène en tout cas – et plus excessifs dans leur gestuelle où les modulations de leur voix que les conteurs du Edo Rakugo dans lequel, on n’a pas besoin d’artifices. Il se déroule en intérieur et le public sait pourquoi il vient.

C’est parce que chacun de ces styles est né dans un environnement sonore complètement différent qu’être « bruyant » est dans l’ADN des conteurs Kamigata, me semble-t-il.

D’autre part, il existe dans le Kamigata rakugo une technique de mise en scène que le Edo rakugo ignore : le hamemono-iri, littéralement « ce qui vient s’insérer (dans l’histoire) ». Il s’agit d’habillage musical, d’effets sonores, lancés depuis les coulisses par le shamisen ou les tambours. Si par exemple le rakugo-ka raconte une histoire qui parle de voyage, au moment où il lance « En route ! », un air entraînant de shamisen va l’accompagner pendant quelques secondes. Ces effets spéciaux dont les gens d’Osaka sont friands, ajoute de l’énergie à l’histoire.

Mais tout rakugo-ka, qu’il s’inscrive dans la tradition d’Edo ou du Kamigata, ne se déplace jamais sans son éventail (sensu) et son carré de tissu (tenugui).
Grâce à ces accessoires, il va pouvoir donner de l’emphase aux situations qu’il mime sur scène (devenir un samouraï qui dégaine son éventail-sabre ; manger un bol de nouilles avec son éventail-baguettes ; sortir de l’argent de son tenugui-portefeuille…), assis en seiza sur son gros coussin (zabuton).
D’ailleurs la taille des éventails du Kamigata rakugo et du Edo rakugo est différente. Mais ça, c’est une autre histoire.

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