Il existe au Japon un art populaire, simple, limpide, où chacun se retrouve, réunissant tous les âges et tous les milieux sociaux, qui demeure pourtant méconnu en France : le Rakugo. Art de la parole, celle « qui a une chute », le Rakugo rassemble pour faire rire avant tout, parfois aussi frémir. Il s’inscrit dans la tradition mondiale du conte mais avec une identité très personnelle. Toute l’énergie du conteur se concentre dans le haut du corps, rayonne et révèle au public des trésors d’imagination. Les Japonais n’hésitent pas, un sourire aux lèvres, à parler de « stand-up assis » (« Histoires tombées d’un éventail », contes traditionnels humoristiques japonais, répertoire du Rakugo, Sandrine Garbuglia, collection « Miroirs du réel », L’Harmattan, octobre 2019).
Vous qui lisez ces lignes, asseyez-vous.
Car vous allez découvrir un secret que les Japonais gardent jalousement.
Un secret que ne vous livreront jamais les guides sur le pays du soleil levant.
Un secret que je suis fier de partager avec vous.
Les Japonais rient. Incroyable, non ?
Au début, il y avait les otogishû. Cette population de conteurs, qui correspond de nos jours à la très répandue profession de « consultant », œuvra de la fin de l’époque Muromachi (1336-1573) au début de l’époque Edo (1603-1868). Les otogishû étaient au service des généraux (shôgun) ou des seigneurs des grands fiefs (daimyô). Toyotomi Hideyoshi, l’un des trois unificateurs du Japon, avait plus de 800 otogishû à sa solde. S’il devait préparer une bataille, il faisait venir un spécialiste des histoires de guerre lui donner de l’inspiration. Quand il revenait d’une bataille et qu’il avait envie de se détendre, alors c’était un conteur d’histoires drôles qui entrait en scène. S’il avait besoin de conseils éclairés, un moine bouddhiste accourait. Un des meilleurs orateurs qui le suivait était Anrakuan Sakuden (1554-1642), moine rattaché au temple Seigan-ji à Kyoto. Anrakuan était non seulement un conteur hors pair mais ses histoires étaient souvent empreintes d’humour, un atout majeur pour mieux faire passer les messages qu’il voulait délivrer. C’est à lui que l’on doit les Seisuishô (Histoires tellement drôles qu’on en oublie de dormir – 1623), recueil qui a inspiré une grande partie du répertoire Rakugo pendant l’époque Edo et que l’on continue de jouer sur scène de nos jours.
Si Anrakuan est considéré comme le fondateur du Rakugo, on se demande pourtant où et à quel moment précis est né cet art populaire sous la forme qu’on lui connait aujourd’hui. Pendant longtemps, les conteurs d’Edo (Tokyo) et ceux de la région du Kansai (Osaka, Kyoto) ont chacun tiré la couverture à eux sur cette question mais il semble que la réponse soit des plus simples : le Rakugo serait né en même temps à Kyoto, Edo et Osaka. A Kyoto, le Rakugo serait né à l’initiative du moine Tsuyu No Gorobei (1643-1703), dans la rue, sur les grandes artères, où il racontait des tsuji-banashi (histoires de carrefour, de croisement). Pour attirer l’attention des passants, une petite table (kendai) sur laquelle il frappe avec un bout de bois. Deux éléments que l’on retrouve de nos jours dans le style Kamigata Rakugo (explication plus bas) mais avec une autre signification : donner du rythme à l’histoire que l’on raconte et indiquer les changements de scène.
Dans la ville voisine d’Osaka, Yonezawa Hikohachi (????-1714), lui, racontait des karukuchi-banashi (histoires légères) dans le sanctuaire shinto Ikukunitama où tous les Rakugo-ka du pays saluent encore sa mémoire tous les premiers week-end de septembre lors du Hikohachi Matsuri (Fête de Hikohachi). Hikohachi avait lui aussi besoin d’un kendai et d’un bout de bois pour attirer l’attention du public, avant de l’entraîner dans ses histoires. Mais ce n’était pas le cas de Shika No Buzaemon (1649-1699), artisan travaillant la laque, né à Osaka, parti tenter sa chance à Edo et doué pour raconter des zashiki-banashi (histoires de pièces de tatamis). Autrement dit, il se produisait dans un environnement fermé qui ne pouvait contenir que quelques « happy-few » et qui ne nécessitait pas les mêmes efforts dont faisaient preuve les conteurs de Kyoto ou d’Osaka pour attirer la foule.
Aujourd’hui, on distingue deux grands courants de Rakugo : Edo Rakugo (Rakugo de Tokyo) et Kamigata Rakugo (Rakugo d’Osaka qui est une fusion des Rakugo d’Osaka et de Kyoto). Les conteurs du Kamigata Rakugo sont beaucoup plus extravertis – sur scène en tout cas – et plus excessifs dans leur gestuelle ou les modulations de leur voix que les conteurs de l’Edo Rakugo. Peut-être justement parce que chacun de ces styles est né dans un environnement sonore complètement différent. Il semble qu’être « bruyant » est dans l’ADN des conteurs Kamigata.
Voilà pour le fond. En ce qui concerne la forme, tout Rakugo-ka, qu’il s’inscrive dans la tradition d’Edo ou du Kamigata, ne se déplace jamais sans son éventail (sensu) et son carré de tissu (tenugui). Grâce à ces accessoires, il va pouvoir donner de l’emphase aux situations qu’il mime sur scène (devenir un samouraï qui dégaine son éventail-sabre ; manger un bol de nouilles avec son éventail-baguettes ; sortir de l’argent de son tenugui-portefeuille…), assis sur les genoux (position seiza) sur son gros coussin (zabuton).
Mais comme un exemple vaut mieux qu’un long discours, je vous invite à (re)découvrir cette gestuelle très codifiée lors d’une représentation : je finirai bien un jour par passer près de chez vous.
A ce sujet, vous pouvez prendre connaissance de toutes les dates sur l’agenda , me contacter, pour un spectacle, une conférence, un atelier.
Je vous invite également à lire les billets de « L’échappée Rakugo » pour tout connaitre sur le sujet (nouveau billet en ligne tous les 15 du mois).
Une conférence en quatre temps pour tout savoir de cet art méconnu en Occident :
A) Un art traditionnel japonais – Origines
B) Histoire du Rakugo – Edo Rakugo, Kamigata Rakugo
C) Caractéristiques du Rakugo – Accessoires et histoires de saison
D) Comment devient-on conteur de Rakugo ?
TROIS FORMULES POUR théâtreux-théâtreuses ; conteurs-conteuses ; professionnel(lle)s ou amateurs-amatrices ; débutant(e)s ou confirmé(e)s MAIS AUSSI ET SURTOUT pour toute personne curieuse de découvrir une culture à l’opposé de la nôtre et donc, par définition, captivante et surprenante !
FORMULE 60 minutes où vous découvrez :
• Les éléments de la tenue (kimono) et leur signification;
• L’utilisation de l’éventail et de la serviette de tissu (Tenugui);
• La gestuelle caractéristique et codifiée du rakugo;
• L’importance de la position assise et les techniques pour éviter de se tuer les genoux !
Vous êtes invités à mettre en pratique les démonstrations à chaque étape avant d’interpréter à la fin de l’atelier, une histoire courte (2mn) mise à disposition.
FORMULE 120 minutes où vous découvrez :
• L’histoire du rakugo en images (power-point) ;
• Les éléments de la tenue (kimono) et leur signification ;
• L’utilisation de l’éventail et de la serviette de tissu (Tenugui) ;
• La gestuelle caractéristique et codifiée du rakugo ;
• L’importance de la position assise et les techniques pour éviter de se tuer les genoux !
Vous êtes invités à mettre en pratique les démonstrations à chaque étape avant d’interpréter à la fin de l’atelier, une histoire courte (2mn) mise à disposition.
FORMULE demi-journée (4 heures) où vous découvrez :
• Une démonstration de rakugo ;
• L’histoire du rakugo en images (power-point) ;
• Les éléments de la tenue (kimono) et leur signification ;
• L’utilisation de l’éventail et de la serviette de tissu (Tenugui) ;
• La gestuelle caractéristique et codifiée du rakugo ;
• Les positionnements spécifiques à adopter en fonction du personnage interprété (homme, femme, enfant, vieillard, animal, commerçant, samouraï, geisha…) ;
• L’importance de la position assise et les techniques pour éviter de se tuer les genoux !
Vous êtes invités à mettre en pratique les démonstrations à chaque étape avant d’interpréter à la fin de l’atelier, une histoire courte (5mn) mise à disposition.
Démonstration de rakugo identique à celle présentée en ouverture afin de mieux apprécier l’histoire interprétée, grâce aux éléments de compréhension acquis tout au long de l’atelier.